Un texte de Willhy Moung qui m inspire ce matin ,il dit aussi " lire ,écrire c est sortir en vampire "
Peindre aussi comme le soukounyan qui sait que son voyage s inscrit dans une temporalité...
"J ai choisi l' écriture pour légender nos vies évanescentes. Nos vies de rien. Fragiles empreintes sur les plages du monde. J'ai espéré graver nos voix avant qu'elles ne se perdent. Je ne saurais dire à quand remonte cette vaine espérance. Quelquefois fois je revois l'enfant courbé sur des cahiers, rêveur, les signes dansant sur la page qu’éclaire la lampe à pétrole. L'ombre de la grand-mère contre les planches. J'ai oublié tous les rêves qui m'habitaient à cet âge-là. J'ai tout oublié. Il m'est resté ce geste, ce désir de graver des signes sur du papier. J'avais l'impression de tenir quelque chose d'unique. Dans mon monde, ce geste signifiait la possibilité d'autre chose, il ouvrait le temps en deux. Écrire, c'est déjà tracer une frontière entre le temps d'avant et le temps d'après. Ouvrir l'horizon sur un nouveau monde, quelque part entre ici et là-bas. Aujourd’hui, je m’étonne quand je dis là-bas pour nommer mon pays comme une terre lointaine, un lieu étranger. Pourtant, je le porte depuis toujours dans mon ventre. Autrefois, là-bas c’était la France, ce pays où nous étions appelés à partir. J’ai ouvert des livres dans la nuit pendant deux décennies. J’ai vécu dans la compagnie des morts et des vivants, à la lumière de leurs mots. Dans nos veillées de silence le murmure d’un ailleurs traversait la langue des signes. Toute langue est un pays. J’ai passé une partie des nuits de mes jeunes années dans un autre pays. J’ai choisi l’écriture pour faire le récit de ces voyageurs du temps que nous sommes. Nous autres enfants du songe. Devant la lampe à pétrole où je lisais, je partais ailleurs. Mon corps restait auprès de ma grand-mère. Mon esprit vagabondage sur les traces des poètes.
Willhy Moung, Marcher dans le paysage des songes, manuscrit, 2022